lundi 2 octobre 2000

Mandawa Castle, Mandawa

"Le monde semble sombre quand on a les yeux fermés "
Chittagong

Gardes au Mandawa castle
Après un petit déjeuner frugal au 21éme étage du Hans Plaza hotel, départ pour le Shekawati. Cette région semi désertique située à environ 250 Km à l’ouest de Delhi est célèbre pour ses Havelis, demeures de riches marchands dont la particularité est d’être entièrement couvertes de fresques peintes à la main. Mais pour y parvenir nous attend une demi journée de route à travers les états de l’Haryana et du Rajasthan. Comment qualifier ce périple ?

Je crois qu’il n’existe pas de mots assez forts dans la langue française. J’ai cru mourir trois fois, mais quel émerveillement que ces routes indiennes ! Chaque regard fourni un moment d’étonnement, de ravissement, de surprise ou d’effroi. Malgré le danger permanent, l’état déplorable du réseau routier et les hésitations du chauffeur (il demandera une dizaine de fois sa route ...) ce parcours du combattant restera pour nous une expérience inoubliable.


A la frontière du Rajasthan, alors que le chauffeur est parti s’acquitter de la taxe dévolue aux véhicules de tourisme, nous sommes soudain entourés par un essaim de jeunes enfants qui cherchent à nous quémander tout ce qu’ils peuvent, stylos, shampooing, bombons ... En effet, le grand « jeu » des enfants indiens consiste à soutirer aux touristes le maximum de babioles, « Hello one pen ! » étant leur cri de ralliement. En ce qui me concerne, j’ai fait le choix de ne rien donner. Je ne crois pas que ce soit leur rendre service que de cautionner cette mauvaise habitude. Mais il faut avouer que c’est quelquefois difficile car il paraît évident que certains vivent dans un grand dénuement Mais les mômes sont têtus et au bout de 15 minutes de harcèlement et malgré mes principes initiaux, je cède finalement The Sunday Time qu’ils déchirent à moitié en se le disputant. Ne sachant lire l’Anglais, ils feuillettent les pages à la recherche d’images et nous montrent la photo du Mahatma Gandhi, qui faisait la une en ce jour du 2 octobre, où l’Inde célèbre la mémoire de la grande âme.

Nous arrivons à 15h au Mandawa Castle après pas mal d’hésitations de la part du chauffeur qui découvrait comme nous la région. Pour parvenir jusqu'à l’hôtel, les derniers 30 kilomètres furent véritablement dantesques ! La route est un véritable gruyère. C’est une petite langue de bitume où ne passerait même pas une Smart. Elle est de plus bordée de profonds fossés et en face de nous arrivent plein gaz d’énormes bahuts « TATA » multicolores, ce qui oblige notre chauffeur à se projeter dans le fossé au tout dernier moment : hallucinant ! Mais une fois arrivés au château du « Rawal » de Mandawa, quel enchantement ... Nous sommes accueillis par des porteurs népalais enturbannés qui nous conduisent à notre chambre, ou plutôt notre suite. Elle possède des niches crénelées et des colonnades et le mobilier est de tout premier goût. Nous explorons alors le reste du palais dont le charme et la tenue nous ravissent. C’est comme si on se retrouvait soudain au 17ème siècle dans la demeure d’un seigneur local. A l’entrée, des gardes aux turbans orangés brandissent des lances sur notre passage, dans les cours intérieures, quelques artisans restaurent les fresques élaborées de leurs ancêtres.

Nous disposons encore de quelques heures pour visiter la poussiéreuse bourgade de Mandawa et ses Havelis. Laure veut que nous le fassions seuls, je pense qu’il serait plus judicieux de prendre un guide. Ce n’est pas ce qui manque à Mandawa, car à peine franchie la monumentale porte de la cour de l’hôtel, nous sommes déjà assaillis de propositions. Je négocie finalement 60 Rs (10F) pour la découverte des plus belles demeures. Laure trouve que c’est trop ! Il faut qu’elle revoie son référentiel. Le guide parle un bon français. Il nous dit être étudiant et qu’avec lui personne ne va nous harceler. OK pour le deal ! Nous voici partis dans les ruelles de cette ville perdue au milieu de nulle part ...

Abstraction faite de l’extrême saleté des rues jonchées de détritus, les grandes demeures qui se dressent autour de nous sont une agréable surprise. Elles sont entièrement couvertes de fresques représentant des scènes religieuses ou de la vie quotidienne, réalisées entre le 17ème et le 20ème siècle. Le but de ces ornements était de mettre en évidence la puissance de leur propriétaires enrichis grâce aux taxes de passage des caravanes en provenance d’Asie centrale puis grâce aux échanges avec les anglais de la East Indian Company. Malgré le mauvais état de conservation de ces fresques, on ne peut qu’être éblouis par le travail effectué. Krishna le divin bouvier est le sujet le plus populaire ainsi que les colons anglais et leurs drôles de machines. Les Havelis sont aujourd’hui inhabités et ce sont les gardiens qui nous laissent entrer moyennant quelques roupies. Sur l’une des façades est représentée un train à vapeur. « Regardez dans le troisième wagon » nous glisse à l’oreille notre guide, l’air hilare. Encore Krishna en avantageuse posture avec une bergère, les fameuses gopis. Nous croisons quelque écoliers tout de bleu vêtus qui nous tendent leurs petites mains en disant « Hello ». Puis après un tour dans le marché local où l’on ne rate pas une miette de nos faits et gestes, nous prenons congé de notre guide qui nous convie à une fête ce soir chez lui avec danses et chansons. Ayant peur de mal comprendre, je décline poliment.

De retour au « Castle », nous passons la fin d’après midi sur la plus haute tour du palais, affalés sur une couche aux coussins safrans, sirotant un Pepsi et jouissant d’une superbe vue sur le village et la campagne alentour : un moment de bonheur ... Dans la continuité, le buffet, pris en extérieur à la lumière d’une bougie, servi par des hommes costumés, bercé par un joueur de sitar et illuminé par un lanceur de torches au déhanchement provocateur et à la moustache virevoltante. Je crois que j’ai bien mérité ma nuit de sommeil, non ?

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