lundi 16 octobre 2000

Quelque part au bord de l’autoroute Agra-Delhi

"Si l'on se sent perdu, seul au monde, pessimiste, sans espérence, le voyage en Inde peut apporter quelque remède ou quelque soulagement"
Jean Clausel, Indes

Décidément, les serveurs de l’hôtel sont vraiment mollassons. Cela fait plus de vingt minutes que nous avons commandé un thé et un jus d’orange, et toujours rien ! Aujourd’hui, c’est notre dernier jour de visite en Inde. Ce soir, nous serons à Delhi, et la boucle sera bouclée. Il est 9h, et nous slalomons entre les racoleurs en tout genre pour entreprendre la visite du fort rouge, autre merveille d’Agra, qui fut longtemps la capitale de l’empire Moghol. A la différence d’hier, le site est très calme et peu fréquenté. Nous pouvons vaquer à notre guise sous les colonnades, dans les jardins ombragés, et le long des balcons qui donnent sur la rivière Yamuna, et desquels on devine à l’horizon les formes parfaites du Taj Mahal, perdues dans la brume. Nous reprenons la voiture pour traverser un minuscule pont, véritablement saturé par le trafic, afin d’enjamber la rivière Yamuna ou paissent des buffles d’eau, et accéder à l’admirable mausolée de l’Imad-ud-Daula, le pilier de l’état, père de la fille de l’empereur Jahengir, qui pendant que la cour s’adonnait aux plaisirs, prenait en main les affaires de l’état. Le travail du marbre y est encore en tout point admirable, tout comme la finesse des décorations.


Nous quittons Agra pour nous arrêter à une dizaines de kilomètres de la ville, sur le site de Sikandra, où repose l’empereur Akbar. Le tout est très imposant, mais manque de grâce et de finesse. Les jardins alentours sont peuplés de Lagurs, les semblables du dieu Hanuman, singes gris au visage noir, qui s’adonnent à des pratiques naturelles provoquant l’hilarité de jeunes écoliers. Il est midi, nous reprenons la route qui mène à Delhi. Nous passons devant une raffinerie de pétrole. L’odeur d’essence y est presque insupportable. Quelques kilomètres plus loin, toujours cette même odeur d’essence. Puis, la voiture est soudain prise de soubresauts ! C’est la panne ! Quelques minutes passées à bidouiller le moteur, et nous repartons, mais pour quelques centaines de mètres seulement car le bricolage n’a pas tenu. Il faut changer un piston qui fuit. Heureusement, la solidarité règne entre les chauffeurs de touristes et nous sommes pris en charge par une bonne âme qui nous conduira à une aire de repos, pendant qu’Ashok tente de réparer l’Ambassador. J’y prends un repas trop copieux alors que Laure s’endort sur la table. 1h30 plus tard, réapparaît notre chauffeur. La pièce a été changée, nous sommes près à repartir, juste le temps pour lui d’avaler un thali végétarien. Delhi n’est plus qu’à cent cinquante kilomètres.

Depuis le début de la journée, Laure a un mal de tête persistant. Décidément, il est temps pour elle que le séjour se termine. L’année prochaine se sera trois semaines au camping de Palavas les Flots ! Elle supportera mieux. Il est 18h. Avant de nous installer au Center Point Hotel, nous passons au bureau de Sita World Travel, qui assurait la logistique de notre voyage. Nous sommes accueillis par un représentant, qui nous demande quelques retours sur notre périple. Nous lui en dressons un portait très favorable. Puis, Ashok nous dépose au Center Point Hotel, situé dans une jolie maison coloniale, non loin de Connaught Palace. Il se fait une joie de revoir sa petite famille après quinze jours d’absence. Laure, de son côté, coupe la climatisation, et va directement se coucher sous deux couvertures alors qu’il fait 33°C !

Inquiétant. Il ne me reste plus qu’à aller manger tout seul ! Je me dirige chez Kanchi, juste à côté de l’hôtel, restaurant proposant des spécialités végétariennes de l’Inde du sud. Je suis le seul européen dans la salle. Ne comprenant rien à la carte, je commande un thali, sorte d’assortiment de toutes les spécialités de l’endroit. J’en compterais douze en tout. Certaines sont sucrées, d’autres salées, seul point commun, elles sont toutes très épicées. Après avoir avalé quelques graines d’anis pour digérer, le serveur m’apporte la note : quinze francs ! Je retourne à l’hôtel, où je retrouve Laure en train de se reposer. En l’observant s’endormir, je ne peux m’empêcher de penser aux réticences initiales que lui inspirait ce voyage et à l’effort qu’elle a du consentir pour m’accompagner. Je lui suis vraiment reconnaissant de cet acte d’amour et malgré les quelques désagréments qu’elle a pu subir, je sais que cela restera pour elle une inoubliable découverte.

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