mercredi 11 octobre 2000

Deogarh Mahal, Devgarh

"Au milieu de ce trafic de gens, de bruits, d'odeurs, je m'arrange un nids, prend un cachet et sommeille. Le temps passe toujours; si l'on en meure pas, on peut croire qu'on en triomphe"
Pierre Clausel, Indes

Comme d’habitude, je me réveille quelques minutes avant le déclenchement de l’alarme de notre réveil portatif. Laure a l’air d’avoir plus de difficultés, c’est du moins ce que je suppose aux grognements qu’elle émet. Nous avalons un régime toasts/thé/banane sur la terrasse de l’hôtel, juste en face des ghats, où à cette heure matinale l’activité est à son zénith. Puis nous quittons Udaïpur pour la bourgade de Deogarh, littéralement « le jardin des dieux ». Sur le chemin, nous effectuons une première halte à Nagda, citée datant du 6ème siècle dont ne subsistent que quelques temples dits « de la belle-mère » et « de la belle-fille » et situés dans un décor bucolique. Les édifices sont assez bien conservés et possèdent de remarquables sculptures. Nous flânons de longues minutes dans ce cadre de verdure, où l’atmosphère est des plus apaisante.


A quelques kilomètres de là, nous nous arrêtons dans la bourgade d’Eklingji, située à flanc de colline et qui possède un complexe de temples, dédiés à Shiva et vénérés dans toute l’Inde. A l’entrée du complexe, nous nous déchaussons, chaussettes comprises, et nous patientons un petit quart d’heure, le temps qu’un brahmame drapé d’une toge safran ne donne le signal en frappant sur un gong. Là, nous nous dirigeons vers l’entrée en passant devant de nombreux vendeurs de colliers de fleurs à 5 roupies, que les fidèles offrent à Shiva. Le complexe est sensé abrité cent huit temples, comme les cent huit formes que peut prendre le dieu. Nous observons avec attention chaque rituel et faisons la queue pour accéder au sanctuaire, où repose une petite statue noire représentant Shiva. Celle-ci est très vénérée au Rajasthan. En effet, la légende raconte que fuyant la folie destructrice de l’empereur Moghol Aurangzeb, les princes du Mewar décidèrent de déplacer la statue située initialement à Udaïpur. Sur le trajet, le convoi s’ensabla à Eklingji. C’était la volonté de Shiva. Sur ce site, sera construit le complexe de temples.

Il est désormais 13h, nous arrivons à la pittoresque petite bourgade de Devgarh, située au beau milieu des collines et de la verdure. Nous nous installons au Deogarh Mahal, palais du 16ème siècle, aménagé depuis trois ans en hôtel. Il ne compte que huit chambres et la notre est croquignolesque : colonnades, arabesques et peintures murales d’époque. Quel charme ! Le palais est tout aussi magique. C’est un inimaginable enchaînement d’escaliers, de couloirs, de tours et de cours intérieures. Après un déjeuner continental (frites, sandwich et pakora), nous passons près d’une heure à en explorer les recoins. Laure commence à s’inquiéter car elle ne trouve pas la piscine. Mais, derrière une n-ième cour, la voilà enfin. De plus, la température n’est pas trop élevée aujourd’hui et il y a une très légère brise. Vraiment le temps idéal pour paresser au bord de la piscine. Il est désormais 16h, nous repassons nous changer à la chambre, afin de partir en escapade dans le bazar local. Quel plaisir de déambuler dans ces pittoresques ruelles. On peut dire que nous étions les seuls touristes à nous aventurer dans ce coin perdu. Les rues sont vraiment hautes en couleur et j’aimerais bombarder des dizaines de pellicules. Mais comme chaque habitant nous dévisage comme si nous étions des extra-terrestres, cela me paraît assez délicat. Pendant quelques instants, je me suis senti dans la peau de Jaques Chirac tellement de mains se tendaient sur mon passage. Nous nous aventurons jusqu’à la station de bus, où les nombreuses personnes juchées sur le toit du véhicule nous font signe de la main. Les écoliers rentrent de l’école et s’achètent quelques sucreries au passage. Lorsque nous nous arrêtons pour observer les friandises que prépare le pâtissier local, c’est l’hilarité générale parmi les villageois !

De retour à l’hôtel, nous nous installons sur le toit du palais, d’où nous dominons le village et la verdoyante campagne environnante. Les reflets du soleil couchant accompagne l’écriture de ces pages. Petit à petit, quelques lumières font leur apparition dans le village. Une lune pleine et généreuse me fait face. Dans le lointain, un mollah entonne une prière. Nous prenons le dîner à 20h exacte dans la cour centrale du palais autour de laquelle toute l’activité s’organise. Le menu est imposé : après une soupe au poulet et aux champignons, Dal, Butter chicken, Biryanii rice et pommes de terre à la coriandre. Mais, ce sont les desserts qui retiendront particulièrement notre attention : bananes au chocolat et Gulab jammun (boulettes de farine au lait caillé et pistaches, flottant dans un sirop). Laure, quasi mourante quelques minutes plus tôt, en a repris trois fois ! Une fois rassasiés, Nous nous prélassons, seuls au monde, évoquant des souvenirs d’enfance, admirant le halo de lumière que laisse la pleine lune sur le frêle manteau de nuages.

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