mercredi 4 octobre 2000

Karni Bawan Palace, Bikaner

"En Inde, Rien à voir, tout à interpréter"
Henri Michaux

Sadhus sur la route
Quatrième jour en Inde et première alerte à la tourista ! Laure est également touchée, c’est l’embouteillage au petit matin devant les toilettes de la chambre 217 ! Un petit tour dans la trousse à pharmacie à la recherche d’Ercefuryl et d’Artesal et pourvu que cela tienne jusqu’à Bikaner ! Le trajet matinal nous mène au village de Fathepur, à la limite ouest du Shekhawati. Le village est totalement inondé et le traverser s’avère un véritable parcours du combattant : slalom à travers les crevasses inondées, manœuvres périlleuses pour éviter les étals d’un bazar, le tout en jetant un coup d’œil sur les façades joliment décorées des Havelis locaux dont l’état de dégradation est malheureusement assez avancé.


 
Puis, nous raccrochons la route de Bikaner qui est une interminable ligne droite traversant un paysage de plus en plus désertique où les rares acacias (Babul) fournissent un modeste abri à quelques bergers ou dromadaires. Le désert du Thar qui borde Bikaner a beau être le désert ayant la plus forte densité humaine au monde, on ne croise quasiment personne ! Le chauffeur me propose même de prendre le volant de l’Ambassador, mais n’ayant pas de permis international, je renonce. La chaleur aidant, nous nous arrêtons au bord de la route pour acheter quelques bouteilles d’eau minérale à une échoppe de campagne. A peine ai-je mis le pied au sol que d’étranges mendiants à la barbe blanche et aux turbans safrans s’approchent de moi et m’adresse de longues incantations en agitant leur obole. Je leur glisse chacun 10 Roupies et ils acceptent en échange de se laisser photographier. Le chauffeur m’apprendra que ce sont des hommes saints et qu’il lui ont demandé de prier pour moi ! Nous reprenons la route. A une soixantaine de kilomètres du but, nous commençons à dépasser quelques véhicules souvent bondés et arborant un drapeau rouge que je reconnais comme le signe de ralliement des fidèles d’Hanuman, le dieu singe. « Pilgrims ! Pilgrims ! » nous lance le chauffeur. Ce sont des pèlerins dont certains parcourent plus de cinquante kilomètres à pied pour se rendre à Bikaner, honorer le général en chef des armées de Rama. Dernière embûche sur le trajet, nous sommes immobilisés près de 20 minutes à un passage à niveau, en attendant qu’une vieille machine fumante et hurlante ne trace sa route à travers la steppe.

Nous arrivons finalement à Bikaner après avoir longsé bon nombre de complexes militaires et nous nous installons dans notre hôtel. L’estomac a tenu et c’est tant mieux ! La journée sera placée sous le signe de la famille royale du Rajputana de Bikaner. En effet, nous logeons au Karni Bawan Palace Hotel, né d’une des nombreuses fantaisies de « His Highness » le Maharaja Karni Singh , colonel de l’armée britannique, qui fit édifier cette ignominie art déco dans les années 40 ! Tout ici est fort kitsch. Notre chambre possède une énorme cheminée, ornée d’une somptueuse gerbe de roses en plastique. Dans le foyer sont soigneusement entassées de magnifiques petites bûches au cas où l’on ait un peu froid (il ne fait jamais que 38°C à l’extérieur !). J’apprécie particulièrement les gigantesques gravures verdoyantes représentant le bois de Boulogne qui entourent le lit « king size ».


Non loin de notre hôtel se trouve le Lallgarh Place, résidence actuelle du Maharaja, construite en grès rouge au début du siècle. Un musée dédié à sa personne mégalomaniaque renferme une collection de photos et d’objets hétéroclites qui nous replonge dans les splendeurs passées du Raj britannique. Rien ne nous est épargné, pas même ses clubs de golf !
Pour finir la journée, direction le fort de Junagarh dont les imposantes murailles du 15ème siècle n’ont jamais été violées par l’ennemi. Devant la citadelle, nous sommes éblouis par le spectacle d’un groupe de femmes venues se recueillir dans un petit temple niché à même la porte d’entrée du palais. Leurs saris éclatant représentent un tel feu d’artifice de couleur ! Nous faisons la visite du fort avec un groupe exclusivement constitué d’indiens, d’ailleurs fort peu disciplinés dont le passe temps favori est de nous inclure, l’air de rien, sur leurs photos souvenirs ! Le palais par lui-même est superbe. Les cours intérieures richement travaillées s’enchaînent les unes aux autres. La confusion des styles est parfois désopilante : mélange de céramiques hollandaises et chinoises ! Le travail d’ornement intérieur, réalisé par des artistes Afghans spécialement réquisitionnés pour l’occasion, est somptueux. Depuis quelques minutes, le guide n’adresse plus la parole aux indiens et m’appelle « Thomaji » en guise de respect. Encore un qui attend le pourboire… A la fin de la visite, après avoir admirés dans le hall de réception du palais un avion de la première guerre mondiale offert par les britanniques pour remercier le Maharaja de ses exploits à la tête du Bikaner Camel Corp, le guide congédie vertement les visiteurs indiens pour nous faire admirer, en privilégiés, quelques salles en restauration. C’est en fait un subterfuge pour obtenir discrètement un pourboire, normalement interdit ! De retour à l’hôtel, je passe à la réception où avant même que je ne prononce le moindre mot, on me tend les clés de ma chambre comme si j’étais le seul et unique client. Après un tour dans les jardins de l’hôtel, cette présomption va aller en s’agrandissant.

Malgré les dérangements gastriques du matin, et après avoir jeûnés le midi, nous osons le restaurant de l’hôtel (conseillé par le guide Lonely Planet) : le Mahansar. Lorsque nous débouchons dans la grande salle à manger art déco, ce que nous pressentions s’avère réel : nous sommes les seuls clients de l’hôtel et quelques six serveurs s’empressent de nous installer à la meilleure place. Pour minimiser les risques : Riz, Nan, Chiken tandoori et Aloo ghobi. Après 53 minutes d’attente, nous sommes enfin récompensés. En effet, rien n’est préparé à l’avance dans les restaurants indiens ! Nous pouvons alors nous délecter de délicieuses pommes de terre à la sauce yoghourt. De retour dans notre chambre, nous sommes précédés par un individu en uniforme de l’hôtel, qui nous sort le grand jeu. Il s’agite autour du lit (qui fait presque trois mètres de large), j’ai l’impression qu’il s’amuse à nous faire un lit en portefeuille, puis il branche un diffuseur anti moustique, et se retire, non sans avoir glané quelques roupies au passage. Je pose mon stylo, demain c’est Jaisalmer…

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